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  • Written by Thibaud Sauvageon, Reporter indépendant, cofondateur de Science vagabonde, correspondant du laboratoire CREM, Université de Lorraine

Cette chronique est la première d’une série autour du projet de web-journalisme itinérant Science vagabonde.

Vers une homogénéisation de la culture scientifique ?

Tout scientifique est un voyageur dans l’âme.

Qu’il voyage physiquement ou à travers son écran, le scientifique a besoin de connaître le monde extérieur pour collecter ses données, les analyser et les diffuser.

Au cours des siècles, le développement technologique a amené les chercheurs à repousser leurs frontières de plus en plus loin. Jadis reclus dans des bibliothèques universitaires locales, Internet leur donne désormais accès à l’ensemble de la connaissance scientifique mondiale. L’automobile, le train, puis l’avion, offrent la possibilité de se rendre à des congrès aux quatre coins du monde.

Pour communiquer avec des chercheurs de plus en plus éloignés physiquement, mais aussi culturellement, le scientifique a de plus en plus recours au « globish », cette version rudimentaire de l’anglo-américain utilisée par des locuteurs de tous les pays. Comme l’explique Rainer Enrique Hamel :

« Autour de l’an 2000, on établit que 82 % des publications en sciences sociales et humaines et 95 % des publications en sciences dites naturelles paraissent en anglais, à présent seule langue hypercentrale. »

Gravure sur bois de Flammarion, « L’atmosphère : météorologie populaire », par Camille Flammarion (1888).

Un monde de diversité et de spécificités

Alors que nous nous trouvons à l’aube d’une ère nouvelle, où la communication permet à chaque individu d’être connecté au reste du monde, nos habitudes et notre mode de vie demeurent néanmoins tributaires de notre environnement culturel. Nous voyons et pensons le monde à travers notre culture. La production des connaissances scientifiques, oscillations permanentes entre observations et réflexions, est donc spécialement sujette à l’influence de nos propres codes culturels. Cette idée est clairement défendue par Thomas S. Kuhn, dans La structure des révolutions scientifiques. Selon lui, les opinions et choix des scientifiques seraient au contraire tributaires de leurs croyances, expériences et visions du monde.

Pourquoi le Japon est-il à la pointe de la robotique ? Pourquoi les Cubains se sont-ils fait une spécialité des sciences médicales ? Comment expliquer la suprématie française dans le domaine des mathématiques ?… Des spécialités scientifiques se sont établies dans chaque pays au cours du temps. Contexte géographique, organisation académique, héritage culturel… Autant de facteurs capables d’influencer l’orientation scientifique d’un pays.

Alors, dans un monde où l’ouverture sur le monde est boostée par les nouvelles technologies, dans quelle mesure restons-nous influencés par nos cultures respectives ?

Le voyage comme outil de compréhension

Répondre à cette question implique d’observer la manière dont se font les sciences en différents endroits du monde. En d’autres termes, il s’agirait de prendre les sciences comme constante et de faire varier le facteur culturel. C’est cette idée que Mariana Díaz et moi souhaitons mettre en pratique à travers le projet Science vagabonde.

Mariana, ma compagne, est journaliste. Après quelques expériences dans différents médias en France et au Mexique, son pays d’origine, elle s’est spécialisée dans le web-journalisme et les nouveaux formats numériques. Quant à moi, ingénieur de formation, j’ai eu l’occasion de connaître le monde de la recherche scientifique de l’intérieur en effectuant un doctorat en Sciences du Bois et des Fibres à l’Université de Lorraine. Nous nous sommes rencontrés en 2011, lors d’un semestre universitaire à Santiago du Chili. Tous deux passionnés de médiation scientifique, la question de la place des sciences dans la société est un sujet qui nous unit.

En créant Science vagabonde, nous avons décidé de nous lancer dans un tour du monde de plusieurs années qui nous permettra de rencontrer les acteurs de la culture scientifique des différents pays : ceux qui produisent le savoir scientifique (les chercheurs), ceux qui facilitent sa diffusion (les médiateurs scientifiques) et ceux qui en bénéficient (le grand public). Nous espérons ainsi dresser un état des lieux des relations sciences-sociétés à travers la planète.

Itinéraire prévisionnel de Science vagabonde.

Une communauté autour des sciences

Afin de partager notre expérience auprès du plus grand nombre, nous réaliserons des web-reportages tout au long du voyage. Ces contenus enrichis (vidéos interactives, photos 360°…) seront régulièrement diffusés sur notre site Internet.

Notre premier reportage est actuellement en cours de tournage à La Paz, dans le nord-ouest du Mexique. Une communauté de pêcheurs travaille en étroite collaboration avec des chercheurs pour apporter des réponses locales à un problème mondial : la protection des ressources marines. Ce reportage mettra en lumière la manière dont s’articulent les relations entre le monde de la pêche traditionnelle et celui de la recherche.

Outre ce partage d’expérience auprès de la communauté Internet, nous souhaitons également communiquer à échelle locale. Cette communication locale pourra prendre diverses formes : interventions dans des écoles, participation à des événements de médiation scientifique… Partager notre expérience auprès des locaux nous permettra non seulement d’émettre des informations, mais aussi d’en recevoir. De quelle manière le grand public perçoit-il les sciences ? Quelle image se fait-il de la recherche ? Ces différentes rencontres publiques enrichiront notre aventure.

La découverte de la médiation scientifique dans différents pays nous semble également être un point essentiel de Science vagabonde. Grâce au voyage, de nouvelles formes de partage des sciences vont s’ouvrir à nous. Nous souhaitons profiter de cette situation d’itinérance pour créer du lien entre médiateurs de différents horizons et, pourquoi pas, devenir catalyseurs d’idées et de rencontres !

Tout comme les sciences, le voyage réserve son lot de surprises et d’étonnements. Mes prochaines chroniques me permettront donc de partager avec vous nos ressentis et réflexions en tant que médiateurs scientifiques voyageurs.

En attendant, nous sommes ouverts à vos commentaires, questions et suggestions. Notre itinéraire prévisionnel est assez souple. N’hésitez pas à nous transmettre vos contacts scientifiques à l’étranger ! Retrouvez plus d’informations sur notre site Internet et suivez nos premiers pas dans ce voyage autour des sciences !

Tournage du premier reportage à La Paz, au Mexique.

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