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  • Written by Michel Berry, Fondateur et responsable de l'École de Paris du Management, L'École de Paris du Management

Les chercheurs réunis au sein de l’École de Paris du management étudient depuis vingt ans les pratiques managériales et les ressorts de l’esprit d’initiative par le biais de six séminaires thématiques de réflexion et d’échanges avec les praticiens. Avec les années, un élément est progressivement devenu criant et prend aujourd’hui une ampleur considérable : contrairement à une idée répandue dans le monde de l’entreprise et ailleurs, l’esprit d’initiative n’est pas l’apanage des seuls entrepreneurs.

La volonté de changer le monde, de résoudre un problème jugé jusque-là insoluble, de venir en aide à ceux qui en ont besoin, de redresser une situation désespérée s’observe de plus en plus en France, dans les start-up bien sûr, mais également dans de grands groupes ou dans des entreprises en grande difficulté, dans les métiers de la création, au plus profond des territoires, au sein de dispositifs associatifs ou même informels. Cette volonté, on l’observe non seulement chez les entrepreneurs sociaux, mais aussi dans les services publics et les administrations.

L’esprit entreprenant souffle donc de plus en plus sur la France. Cette nouvelle est enthousiasmante et pour l’encourager, l’École de Paris du management, accompagnée de premiers soutiens, a pris deux initiatives :

  • la rédaction d’un manifeste qui a vocation à faire connaître un phénomène qui ne se réduit pas aux seuls « startupeurs » ;

  • la création d’un jardin virtuel des entreprenants, lieu de découverte de la diversité des espèces d’entreprenants et de leur irrépressible envie de changer le monde sous toutes ses formes.

Ce jardin est créé dans un premier temps sous la forme d’un blog dont cette chronique sera l’écho, chaque texte présentant une aventure singulière pour contribuer à la (re)connaissance de l’apport des entreprenants dans la société.

Ils peuvent être premiers de cordée et partir à l’assaut de sommets vertigineux avec un équipement de haute technologie, navigateurs intrépides partis en groupe à la découverte de nouveaux mondes, ou encore marcheurs patients, munis d’une boussole rudimentaire, partis à la découverte de l’autre avec pour seul bagage une volonté d’écoute…

En guise de première illustration, voici un exemple montrant que l’esprit entreprenant souffle également dans l’Administration. S’il emprunte certaines approches et un certain vocabulaire aux start-up, il en est particulièrement éloigné en ce qui concerne les intentions de ses animateurs.

Inoculer l’esprit start-up dans l’Administration

Pierre Pezziardi et Henri Verdier se sont donné un objectif impensable il y a quelques années : inoculer l’esprit start-up dans l’Administration. Et pourtant, ça avance : une cinquantaine de start-up sont en développement ou en création pour aider à mieux chercher un emploi, connaître en quelques clics les aides auxquelles on a droit, jauger les formations, etc.

Avec les « start-up d’État », ils conduisent l’innovation au cœur du système pour en régler le plus grand nombre possible de problèmes. Pierre Pezziardi, avec le titre improbable d’entrepreneur en résidence (à Bercy), a trouvé un allié de poids en la personne d’Henri Verdier, ancien président de Cap Digital et directeur interministériel du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC).

Se démarquer des bons principes

On dit souvent : « Tout projet doit être coordonné dans le cadre d’un comité de pilotage… Il faut séparer la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre… Aucun projet ne doit démarrer si toutes les idées ne sont pas claires et si tous ne sont pas convaincus… »

Ces bons principes ayant montré leur inefficacité, Pierre Pezziardi a proposé de les remplacer par des méthodes rodées tout au long de son parcours d’entrepreneur agile, par exemple lors de la création de Kisskissbankbank. L’aventure de la Bonne Boîte illustre cette démarche.

La Bonne Boîte, révolution à Pôle emploi

Tout est parti d’une idée d’un agent du Pôle emploi d’Hayange, désolé du faible nombre d’offres qu’il pouvait proposer aux demandeurs d’emplois, les entreprises françaises recrutant sans annonces dans 80 % des cas. Dès lors, il juge plus judicieux d’orienter les demandeurs vers des entreprises ayant des chances de les recruter, en fonction de leur profil. Il n’aurait pas pu faire valoir ses vues s’il n’avait pas été retenu à l’occasion d’un concours d’idées initié par Jean Bassères, directeur de Pôle emploi, pour lancer des start-up d’État.

Avec l’aide d’un coach et d’un développeur proposés par l’équipe de Pierre Pezziardi, l’agent d’Hayange met au point en six mois La Bonne Boîte, site utilisant la base de données des 26 millions de salariés français pour calculer la probabilité de recrutement de chacun dans les entreprises environnantes. Ce site, qui n’a coûté que 2,5 équivalents temps plein, est plébiscité et aide les demandeurs d’emplois à déposer des candidatures spontanées.

Une disruption en marche

Une autre application créée par une autre start-up d’État, La Bonne Formation, permet de trouver une formation adaptée au profil de la personne et au marché du travail. Cette posture à contre-courant des usages consacrés dérangeait bien sûr, et les instigateurs de la démarche n’ont pas toujours eu la vie facile. Mais leur projet s’est structuré et ils rencontrent maintenant des soutiens parmi les directeurs de l’Administration qui signent notamment des chartes, dans lesquelles ils s’engagent à :

  • partir d’un problème précis et pas d’une idée de solution ;

  • identifier un intrapreneur engagé dans la résolution de ce problème ;

  • le décharger sous un mois et pour un délai de six mois afin qu’il puisse s’engager pleinement dans la création d’un nouveau service numérique ;

  • garantir l’autonomie de l’équipe mobilisée (intrapreneur, coach, développeurs, designers…) afin qu’elle puisse librement itérer autour de la résolution du problème avec ses futurs usagers et partenaires ;

  • financer le développement du produit pendant six mois et évaluer à l’issue l’opportunité de réinvestir sur la base des résultats apportés.

L’incubateur des services numériques, appelé Beta.gouv.fr, gère aujourd’hui 54 start-up et mobilise une communauté, en croissance rapide, de 180 personnes. Il s’attaque à des problèmes aussi variés que faciliter l’accès au droit du travail, simplifier les prélèvements des cotisations sociales des indépendants, évaluer ses droits à 27 aides sociales en moins de 7 minutes…

Pour en savoir plus :Séance de l’École de Paris du management : Des start-up d’État pour transformer en souplesse l’administration.Site de l’incubateur de services numériques.

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